Sorcellerie

Publié le novembre 20, 2016 dans Divers

Sorcellerie

On trouve dans les registres paroissiaux de Diemeringen (Bas-Rhin), un acte de décès qui porte la mention « brûlé comme sorcier après avoir été décapité par l’épée ». Ce décès est celui de Diebolt Weyland, un frère de mon ancêtre Hans Caspar Weyland.

Cet acte daté du 21 juin 1673, m’a conduit à m’intéresser aux procès en sorcellerie et chasses aux sorcières qui ont eu lieu en Lorraine et en Alsace au 17ème siècle.

Entre 1671 et 1673, le registre paroissial de Diemeringen relate plusieurs affaires de sorcellerie qui ont condamné une douzaine d’habitants de la seigneurie au bûcher. Les victimes étaient généralement accusées d’avoir provoqué des adultères, des avortements ou des morts d’enfants par maléfices ou par magie.

Entre 1614 et 1642, 64 cas de sorcellerie sont recensés à Saverne. Trente de ces cas se terminent par une exécution capitale, le plus souvent sur le bûcher. Les enfants ne sont même pas épargnés. On trouve parmi les victimes de ces procès un garçon de 9 ans, Philippe Schramm, qui périra après ses aveux, avec ses 6 complices âgés de 9 à 16 ans. On ne faisait aux enfants que la grâce de les étrangler au lieu de les brûler vifs.

Les bûchers de sorciers et sorcières allumés dans l’Occident chrétien du 15ème au 18ème siècle auraient fait environ 50.000 victimes, d’après les historiens. Les femmes représentaient environ les 3/4 des accusés dans des procès en sorcellerie tout à fait légaux qui s’appuyaient sur des traités de « démonologie ». Pendant quatre siècles, la chasse aux sorcières s’est répandue dans toute l’Europe, mais avec une intensité particulière dans le Saint Empire romain germanique et les régions voisines.

Suisse, Pays-Bas, Flandre, Luxembourg, Lorraine et Franche-Comté sont, après l’Allemagne actuelle, les régions qui ont compté le plus grand nombre de bûchers de sorcières et de sorciers.

En Lorraine, c’est Nicolas Rémy, né vers 1530 à Charmes (Vosges), qui a été le principal pourvoyeur de ces bûchers. Juge tristement célèbre et auteur en 1596 d’un traité sur la sorcellerie (Trois livres de la démonolatrie), il serait responsable de la mort par le feu de deux à trois mille sorcières et sorciers (il reconnait lui-même 900 exécutions).

Charles III lui avait confié en 1591 la charge de procureur général du duché de Lorraine. C’est à ce poste qu’il a pourchassé sans répit sorcières et sorciers. Il est mort en 1612 à Charmes où il s’était rétiré six ans plus tôt en laissant sa charge à son fils.

Exécutions à la seigneurie de Diemeringen

– Le 21 juin 1673, sont condamnés « als Zauber(in) verbrannt vorher durch Schwert enthauptet » (brûlés comme sorciers/sorcières après décapitation par l’épée) :
– Amalia, épouse de Anstett Müller, huillier de Diemeringen
– Thiebold Matt, le tailleur de pierre
– Margaretha, épouse de Philipp (Lips) Adolf, de Diemeringen
– Ursula, épouse de Peter Kübler, forestier (1666, 1684) et maire (1676, 1680, 1683) à Dehlingen
– Christina, épouse en secondes noces de Theobald Böss, berger à Dehlingen
– Dieboldt Weyland, célibataire, fils de Johann Marcel, échevin (1696, 1698) de Dehlingen, et de Catharina

– Le 16 octobre 1673, sont « wegen Zauberei durch Schwert enthauptet u. beim Galgen verbrannt worden » (décapités par l’épée et brûlés pour sorcellerie près du gibet) :
– Ottilia, veuve de Carl Enßminger
– Elsbeth, épouse de Niclaß Hänels
– Walburga, épouse de Johannes Koeppel, aubergiste de Dehlingen
– Gertrud, épouse de Ludwig Jonin/Jenin, charpentier à Dehlingen
– Appolonia, épouse de Ulrich Kieffer de Dehlingen
– Margaretha, épouse de Anstett Hemmert de Dehlingen

Les actes relevés à Diemeringen

Den 29 dito. [Aprilis 1671], hatt sich Hanß Martin Müller der junge Schneider von hier, weyland Anstett Müllers des Ohlmanns und Amuleyen gewesener leidiger Sohn von 26 Jahren, allhier in dem Schloß in seinem Gefängniiß also er henckt, daß er mit gebogenen Knien auf der Erde gestanden nachdem er vorhero in er schröcklicher Sodomia und Zauberey ergriffen und befunden worden. Wurde den 2. May samt einer Geyßen und jungen Pferd beym hochgericht verbrandt.
Source: Archives du Bas-Rhin, Diemeringen, BMS, 1665-1715, 3E94/2, vue 97/220

Traduction : Le 29 avril 1671 s’est pendu ici dans la prison du château, Hanss Martin Müller, jeune tailleur de ce lieu âgé de 26 ans, fils célibataire du défunt Anstett Müller, huilier et « amuleyen(?) « , qu’il se trouvait agenouillé au sol après qu’on l’ait jugé saisi d’une horrible sodomie et sorcellerie. A été brûlé près du gibet le 2 mai avec une chèvre et un jeune cheval.

 

Den 20. Xbris [1671] ist Nickel Frantz, sonsten der Küh Nickel genannt, und sein Ehweib Janetta und Ihrer beyder Sohn Nickel Frantz der Jüngere, um verübter schrecklicher Zauberey, ertödtung, und verdribung Menschen und Viehes worunter Sie drey Ihrer eignen Enkeln, und Hänrich Häneln zwei Kinder umbgebracht, und Hanß Jacob Dormeyern allhier, lungen, beinlein, Haar und Glaß in den backen gezaubert, auch der Sohn der Sodomiterey ergeben gewesen auf erhaltene große gnade, mitt dem Schwerd vom Leben zum Todt gerichtet, und die Cörper zu aschen verbrennet worden.
Source: Archives du Bas-Rhin, Diemeringen, BMS, 1665-1715, 3E94/2, vue 98/220

Traduction : Le 20 décembre 1671, Nickel Frantz, connu sous le nom de Nickel le vacher, son épouse Janetta et leur fils Nickel Frantz le jeune, pour avoir commis une horrible sorcellerie, assassinat de personnes et de bétail, tous les trois ayant entraîné (assassiné ?) leur propre cousin et les deux enfants de Hänrich Hanel, et Hans Jacob Dormeyer d’ici, poumons, jambes, cheveux et verre ensorcellés dans les joues, le fils ayant pratiqué la sodomie, ont reçu une grande grâce, sont passés par l’épée de vie à trépas, et leurs corps ont été réduits en cendres.

 

Den 23. Decembris [1672] ist Margaretha, Hans Martin Banngerts des Zimmermanns allhier gewesenes Ehweib in ihrem Gefängniiß in welchem Sie angeklagter Zauberey und begangenen, bey nahe zwantzig Ehebrüchen halben ingesessen, todt gefunden ; und folgenden 24, zum hochgericht auf einer schlaiffen geführt, undt unter daßelbe durch den scharfrichter vergraben worden.
Source: Archives du Bas-Rhin, Diemeringen, BMS, 1665-1715, 3E94/2, vue 98/220

Traduction : Le 23 décembre 1672 est morte dans sa prison, Margaretha, épouse de feu le charpentier Hans Martin Bangert d’ici, trouvée morte dans sa prison où elle était incarcérée accusée de sorcellerie et pour avoir commis près de vingt adultères, et le 24 suivant conduite sur une trainée au gibet (et sous le même) enterrée par le bourreau.

 

Den 21. Junÿ [1673] ist Ohlig Amaleÿ, weiland Anstett Müllers Witlib, Item Thiebold Matt der Steinmetz undt sein weib Anna Maria, Item Margreth, Lipß Adolffens Ehweib von Diemeringen ; undt Ursula, Peter Küblers deß Försters, Item Christina, Diebold Gößen deß schäffers weib, deßgleichen Diebold Marzell weÿlands lediger Knab, alle als Zauberer, dißer letztere zugleich ein Sodomit der Bestialität halben, undt mit Ihnen drey stükle Pferd, verbrannt, nachdem Ihnen Vorher durchs schwerd das Haubt abgeschlagen worden.
Source:
Archives du Bas-Rhin, Diemeringen, BMS, 1665-1715, 3E94/2, vues 98-99/220

Traduction : Le 21 juin 1673, sont condamnés et brûlés comme sorciers après décapitation par l’épée, Amalia, épouse de Anstett Müller, huillier de Diemeringen; Thiebold Matt, le tailleur de pierre; Margaretha, épouse de Philipp (Lips) Adolf, de Diemeringen; Ursula, épouse de Peter Kübler, forestier (1666, 1684) et maire (1676, 1680, 1683) à Dehlingen; Christina, épouse en secondes noces de Theobald Böss, berger à Dehlingen; Dieboldt Weyland, célibataire, fils de Johann Marcel, échevin (1696, 1698) de Dehlingen, et de Catharina

 

Den 16. Octobris [1673] ist Ottilia Enßmingerin Wittlib sonsten vulgo Gerber=Ottel, Elsbeth, Niclaß Hänels des Unter Portners Frau, beede von hier, item von Dehling Hans Köppels des Würths Weib, namens Walpurg desgleichen, Louys Jenins Frau, Gertrud ; auch Ulrich Kieffers Weib Appolonia, und Anstett Hemmerts Frau Margaretha, der Zauberey halben, mit dem Schwert gerichtet, und die Cörper beym Galben verbrannt worden.
Source: Archives du Bas-Rhin, Diemeringen, BMS, 1665-1715, 3E94/2, vue 99/220

Traduction : Le 16 octobre 1673, Ottilia Enssminger Wittlib appelée d’ailleurs vulgairement Gerber=Ottel, Elsbeth, épouse du (UnterPortner = Sous-gardien de porte ?) Niclass Hänels, tous deux d’ici, de même la femme de l’aubergiste Hans Köppel de Dehlingen, nommée Walpurg, de même, Gertrud, femme de Louys Jenin; aussi Appolonia, femme d’Ulrich Kieffer, et Margaretha, femme d’Anstett Hemmerts, ont été exécutées pour sorcellerie et les corps ont été brûlés près du gibet.

 

Sources:

  1. Evangelische Kirche Diemeringen, Kirchenbuch 1588-1799, film FHL no 0742365
  2. Archives du Bas-Rhin, Diemeringen, BMS 1665-1715
  3. Dehlingen im Krummen Elsass, Doris Wesner, 1997, Drulingen, ISBN 2-9510634-6-6
  4. Revue ‘Pays d’Alsace’, cahiers 182-I/1998 et 185-IV-1998, (les aveux d’un sorcier de 9 ans originaire de Saverne), SHASE

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